Faire tomber les masques

Il y a 5 ans j’ai quitté mon dernier CDI pour me lancer dans une aventure voulue, choisie, fantasmée, mais par dessus tout inconnue. Je n’ai pas honte de dire que j’ai déposé les statuts de ma SASU en ne sachant pas vraiment quel était le plan. Vendre du conseil en freelance, ok mais qu’est ce que ça voulait vraiment dire ? Quelles étaient les implications véritables de ce choix ? Sur mon mode de vie, sur ma santé, sur mes finances, sur mon avenir ?

J’étais absolument ignorante de l’étendue du virage que cela représentait. 

Peu importe le nombre de podcasts incroyables que j’ai pu écouté, le nombre de livres, mes diplômes, les conseils avisés des organismes qui proposent d’aider les jeunes entrepreneur·euse·s… Je suis aujourd’hui persuadée qu’aucune formation, aucun conseil, aucun livre n’aurait pu réellement me donner un aperçu de la réalité de ce que j’ai vécu ces 5 dernières années. 

J’ai été traversée par des joies et des peines immenses, mon estime de moi n’a jamais été mise à si rude épreuve, ma confiance en l’avenir est passée à maintes reprises sous des rouleaux compresseurs. Aujourd’hui encore je mets ma santé en danger régulièrement, je dors trop peu, je m’alimente moyennement, je fais soit trop, soit pas de sport, mon anxiété est nourrie par les dizaines de scénarios catastrophes que je me dessine. Bref. Je n’ai pas trouvé la recette miracle, parce qu’il n’y en a pas

Solitude et découragement en toile de fond.

Je me suis rapidement retrouvée confrontée à une des réalités pour les solopreneur·euse·s : ma solitude. Je suis seule capitaine à bord. Et comme lorsque j’ai quitté le navire familial à mes 18 ans, le fantasme de l’indépendance a laissé place à une réalité aux airs de vide abyssal.

Quand j’ai démarré, la majorité de mes ami·e·s étaient salarié·e·s, avaient un rythme de vie très différent du mien et surtout des moyens très supérieurs aux miens.

J’ai annulé mes abonnements aux box beauté, à la salle de sport, j’ai arrêté d’aller me faire faire les ongles toutes les 2 semaines, les dîners et soirées où on ne compte pas.

Je vivais sur 54% de mon salaire précédent, je n’avais aucune idée de ce que je faisais, je n’avais pas fait de plan. J’ai prétendu que je savais exactement dans quoi je me lançais car j’étais terrifiée à l’idée d’admettre que j’étais juste une jeune femme de 27 ans en burn out qui rêvait juste de dormir 15h d’affilée et de ne plus se sentir vide.

Certain·e·s de mes ami·e·s m’ont soutenue mais j’ai aussi fait face à l’incompréhension, souvent nourrie par la peur, de mes proches. J’ai perdu certain·e·s de mes ami·e·s les plus proches. J’ai du entendre que j’étais « inconsciente », que c’était « bête », que je « serais mieux dans un cabinet de conseil », et que je « devrais chercher un vrai job ». Aujourd’hui je ne laisse plus personne marcher sur mes rêves et projet en baissant les yeux et en pensant « va te faire foutre, tu verras », je relève le menton et j’explique aux personnes qui doutent que je n’ai pas demandé leur avis, que leurs peurs leur appartiennent, et que je n’accepte les commentaires que des personnes qui sont elles-aussi dans l’arène.

L’imposture, mon anxiété en habit de lumière.

Quand j’ai démarré, j’étais persuadée de me balader avec une pancarte « imposteur » dans le dos. Dans tous les évènements où je me rendais, dans tous mes rendez-vous professionnels, à chaque email de prospection, même avec mes clients qui étaient satisfaits et me félicitaient. Le syndrome de l’imposteur ce n’est pas un truc qui fait beau dans les posts sur les réseaux et autres articles de blogs. C’est une réalité. Pour moi lorsqu’on est une femme on le vit différemment d’un homme, je pense que nous ressentons tous ce sentiment d’usurper un rôle pour lequel nous ne sommes pas qualifié·e·s. Sauf que les hommes, dans notre environnement patriarcal, le vivent différemment et en souffre différemment – pas moins ou mieux, juste différemment. Je ne vous parlerai que de mon expérience de femme, je parle de ce que je connais. 

J’ai du apprendre à combattre l’anxiété sur un nouveau terrain. Je la connais depuis toujours mais là elle avait trouvé de nouveaux outils pour me tordre le ventre et nouer ma gorge. J’ai passé des après-midi entière en boule, par terre, dans un coin de mes 35m2 à me dire que j’étais bonne à rien, que je ferais mieux de disparaître et surtout d’arrêter de croire que j’ai ce qu’il faut pour faire grandir une entreprise. J’ai passé 4 années en thérapie de façon régulière depuis qu’Espiègle existe, pour des raisons personnelles mais aussi pour gérer une anxiété et des troubles dépressifs qui semblaient déterminés à s’inviter sans prévenir à la fête.

Une ancienne camarade d’école, retrouvée grâce au réseau sociaux m’a demandé récemment comment j’ai combattu mon syndrome de l’imposteur. Et bien je le combats chaque jour. 

Une scène à la hauteur de l’enjeu

Instagram est rapidement devenu une partie importante de mon activité et j’y ai investi un temps et une énergie considérable. Cependant c’est comme un Gremlin qui travaille à me chute, collab’ non rémunérée avec mon anxiété.

Instagram c’est des tas de personnes qui ont un truc à vendre, c’est une immense jungle d’entrepreneur·euse·s assoiffé·e·s de likes. Si le réseau social m’a permis de rencontrer des personnes incroyables et de trouver une bonne partie de celles que j’appelle ma tribu aujourd’hui’, il a aussi été le lieu de nombreuses batailles intérieures. 

Les corps, les vies, les sourires… tout y est lisse, sans débordements. Depuis quelques années même les débordements, les ratés, les larmes, les souffrances sont mis en scène, instrumentalisés et doivent servir la croissance, donc la rentabilité du compte pour le·a créateur·ice·s. La règle est la même pour le business : étalage de résultats, d’euros (ou de dollars) encaissés, de clients, de témoignages dégoulinants d’un amour qui parfois sonne faux tellement il est trop parfait. On peint le tableau qu’on souhaite sur ce réseau, c’est simple de faire croire que tout va bien. Même le fait d’aller mal devient un argument marketing d’authenticité, mais où est l’authenticité quand le· créateur·ice prend le temps de se filmer en larmes lors de l’épisode de crise ? 

Instagram m’a fait croire qu’il était mal de vouloir « hustle » pour mon business, mais que le « slowpreneuriat » ça n’existait pas vraiment non plus. J’y lis tout et son contraire, tout le monde à la méthode en 5, 8, 12 étapes pour atteindre le Graal des 10k (euros ou followers, choisissez votre camp). Mais cette course à l’échalote n’est parvenue qu’à un seul résultat certain, je pense unanime dans mon entourage : flinguer ma santé mentale, ma confiance en moi et en mes capacités à élaborer une stratégie solide pour développer mon business. 

Instagram est déguisé en Bon Samaritain, il nous donnerait les clés gratuites de la réussites et de la vie de rêve, une infinité d’inspirations et de connexions incroyables. La réalité est qu’aujourd’hui 90% (à la louche) du chiffre d’affaire (CA) que je génère depuis 5 ans est entré par de la prospection directe dans mon portefeuille client. 

Pourtant si je prends le temps de me poser (ce que j’ai fait seulement très récemment grâce à la personne qui m’accompagne dans le pilotage stratégique d’Espiègle) et de compter combien je dépense sur Instagram mensuellement voilà ce que ça donne : 

  • Création de contenu : 2 jours, soit près de 1400€TTC (j’applique mon taux horaire pour ce calcul)
  • Animation du compte (stories, interaction avec la communauté, veille) : 15 heures, soit près de 1300€TTC
  • Abonnement Canva pour ma création de contenu : 11€TTC par mois
  • Shooting photo pour nourrir le contenu : 600€TTC / 6 mois (c’est un très petit budget comparé à d’autres créatrices)

Je ne fais aucune sponsorisation et ne délègue aucune partie de ma création de contenu mais certaines consoeurs le font. 

J’arrive à un total mensuel de plus de 2800€TTC. Oui vous avez bien lu. 

Pour 10% de mon acquisition je dépense près de 3000€TTC mensuellement. C’est énorme en comparaison au CA que je génère. 

La réalité est donc que je dépense énormément en temps, énergie, euros sur un canal qui nourrit plus mon anxiété, ma confusion et mon sentiment de ne pas être légitime que mon portefeuille client. 

Comment combattre le syndrome de l’imposteur ?

Se couper des choses qui nourrissent ce sentiment, c’est un sentiment pas un fait. Je ne suis pas un imposteur ! J’ai une formation qui tient la route, un cerveau qui fonctionne plutôt bien, j’ai toujours super bien travaillé dans mes jobs salariés. Je ne suis pas devenue incapable et stupide en décidant de me rémunérer moi-même ! 

J’ai donc : 

  • Coupé les ponts avec les personnes qui ne me soutenaient pas et insistaient pour me convaincre que je faisais fausse route. 
  • Renouvelé mon cercle avec des personnes incroyables, inspirantes, qui savent me soutenir et me challenger pour que je donne le meilleur de moi.
  • Travaillé sur moi en thérapie pour nourrir mon estime, ma confiance en moi et ma capacité à prendre les bonnes décisions pour mon bien-être et ma réussite.
  • Choisi de poser des limites claires dans mes collaborations pour ne plus me faire marcher dessus et finir par douter de mes capacités. 
  • Revu mon rapport aux outils que j’utilise en fonction de leur impact sur ma santé mentale et mon business.

Ce n’est jamais facile de dire « j’ai changé » et de se montrer sous son nouveau jour. Il y aura toujours des personnes pour nous dire qu’on était mieux avant ou nous le faire comprendre. 

Le plus dur pour moi ça a été cette partie du chemin. Apprendre à aimer les changements, à ne pas renier les anciennes versions de moi mais à ne pas m’empêcher de grandir par surplus de nostalgie. Je ne suis pas au bout de mon aventure, loin de là. Mais je crois que si je devais donner un conseil à la Clémence des débuts, je lui dirais de travailler à croire en elle pour faire face à toutes les vagues de doutes. 

Peu importe à quel point on croit en son projet, en sa vision, peu importe à quel point on sait dans ses tripes qu’on est là où il faut, il suffit parfois d’un sourcil qui se lève ou d’une moue pour faire flancher tout l’édifice. La confiance en soi, c’est le meilleur moyen de lutter contre les haussements de sourcils et les moues désapprobatrices. La confiance, comme les stratégies, ça se construit, ça s’entretient, ça se nourrit.

On en revient toujours à la même conclusion : prenez soin de vous.

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