Disicpline et Courage

Nous entamons la troisième semaine de janvier lorsque je rédige cet article et je ne peux pas m’empêcher de constater l’ambiance pesante et l’état d’affolement général à la perspective de tout ce qu’il faut accomplir pendant cet impitoyable premier mois de l’année. La course à la productivité et aux résolutions fait rage, les équipes s’affrontent avec férocité :  les inconditionnels des bilans et des routines en 18 étapes, les déterminés à ne pas passer à côté du top départ cette fois-ci mais qui ne savent pas trop comment s’y prendre, les touche-à-tout qui mettent en place 4 méthodes à la fois en gardant le meilleur de chacune, les résignés qui ne s’abaissent pas à “ça” (comprendre : la course à l’échalote de la nouvelle année), les retardataires aux allures de grands sages qui démarrent l’année avec le printemps en mars et les nostalgiques alliés aux parents débordés qui attendront septembre pour appuyer sur le champignon et se questionner sur leurs habitudes.

J’aimerais vous dire que je suis au-dessus de tout cela mais ce serait un manque éhonté d’honnêteté. Je n’écrirais pas cet article si ma névrose de première de la classe ne voyait pas son baromètre s’affoler quand la fin d’année sonne le glas. Je suis une amatrice de nouveau départ, d’organisateurs en tout genre, de listes sans fin et mon amour de la papeterie ne fait que nourrir le problème – ou est-ce ce l’inverse ? – janvier étant le paradis terrestre pour les aficionados de semainiers, carnets, bloc notes et autres merveilles. Alors, après des années à prendre diverses sortes de résolutions avec des résultats plus ou moins fructueux j’avais envie d’écrire sur le sujet sous-jacent : la discipline

Discipline et soin de soi

On nous présente la discipline et les habitudes comme des remèdes miracles face à la procrastination, expression ultime de l’inertie tant redoutée quand nous filons toutes voiles dehors au devant d’une deadline (emphase sur le “dead”). Seulement, si nous comprenons tous·te·s les enjeux de la discipline, je ne suis pas certaine que nous comprenions l’étendue complète des dangers et dérives qui l’entourent.

Les injonctions à la discipline

La discipline est présentée sur un piédestal comme le messie qui résoudra l’ensemble de nos problèmes. Les injonctions pleuvent et le malaise grandit. On nous fait croire, sur les réseaux sociaux mais aussi dans la majorité des livres de développement personnel, que la clé réside dans une hygiène de vie irréprochable : lever et coucher à heures régulières, lever avant 6h00, boire plus de 2 litres d’eau par jour, marcher plus de 10000 pas, se lever de sa chaise, manger sain (choisissez les contraintes de votre choix à insérer ici : arrêt du café, du gluten, des produits laitiers, des oeufs, …), bains glacés, footings, crossfit, yoga, méditation, journaling… 

Il suffit d’ouvrir Instagram pour se prendre une vague d’injonctions en plein visage et boire la tasse. Je comprends celles et ceux qui méprisent la discipline avant même de lui avoir laissé sa chance. Elle est dépeinte sous un jour détestable. Objet de communication, on lui a volé ses véritables atouts. C’est donc les injonctions à la pratiquer qui réduisent drastiquement le champ des possibles des formes que peut prendre la discipline et des manières de la cultiver. 

Je ne prétends pas avoir découvert le grand secret de la discipline. Je vous partage humblement ce constat que lorsqu’il est question de créer un cadre de discipline pour soi (sans personne extérieure qui fixe les règles, nous impose un rythme et est le garant du respect des règles – j’y reviendrai plus tard), il est essentiel d’éprouver ses propres besoins, c’est alors que comprendre son fonctionnement est un atout essentiel.

Se connaître pour se conquérir

Après les années de thérapies, les milliers de pages lues et les heures de podcast sur le sujet du développement personnel, je pense sereinement pouvoir vous dire que la connaissance de soi est un outil puissant et indispensable. Je vous épargne la liste exhaustive des raisons pour lesquelles je crois que nous devrions tous·te·s faire un travail d’exploration de notre identité et de nos fonctionnements profonds. Je me concentrerai ici sur l’importance de ce savoir pour pouvoir faire la conquête de son indépendance et de sa liberté. 

J’ai appris à mes dépends qu’il ne suffisait pas de quitter le nid familial pour être indépendante et libre. Il aura fallu défaire la pelote des nœuds de mon histoire, comprendre qui j’étais, travailler à lutter contre mes défauts les plus détestables et à cultiver mes qualités les plus étincelantes. Rien n’était inné, j’ai acquis mes badges à la sueur de mon front. Étudiant les rouages de ma pensée, observant mes mécanismes, réparant les pièces brisées et remplaçant les plus défectueuses, j’ai écrit le mode d’emploi de ma personne (œuvre à jamais inachevée et en constante réécriture).

Le travail n’est jamais terminé et selon les moments de vie, les recettes évoluent. Mais aujourd’hui je sais un peu mieux déchiffrer celle que je suis et comment faire pour m’emmener là où je souhaite me rendre.

  • Je sais que pour fixer une nouvelle habitude je dois le vouloir du plus profond de mon être, avec l’intime conviction que ma vie en dépend (mon arrêt du tabac suite à une grippe à qui j’ai cru que j’allais devoir laisser ma peau est un des exemples les plus parlant). 
  • Je sais aussi que je dois faire des petits changements graduels pour instaurer le nouveau cadre, ne surtout pas tout chambouler d’un coup : j’ai reprogrammé mon réveil à coup de minutes égrenées chaque jour pendant deux semaines. 
  • Je sais que si je m’amuse en changeant les choses ça a plus de chance de marcher : je me fixe des récompenses par paliers d’accomplissements, je m’amuse avec mes objectifs (gourde qui m’encourage à boire, réveil qui simule l’aube et autres gadgets mignons – un peu trop cher parfois) et ça marche !
  • J’ai constaté que le fait d’avoir une personne à qui je rends des comptes est un véritable atout. Envoyer une photo après mon sport matinal à une amie qui elle aussi se remet au sport, avoir un coach qui m’aide avec mes repas ou autres aspects de ma vie rend l’affaire bien plus simple et souvent les résultats sont démultipliés. Ne sous-estimez pas les prouesses que peut effectuer un people pleaser pour plaire – je me soigne mais dans ce cas là ça sert enfin une bonne cause !  
  • Je suis forcée de constater que je ne peux pas changer beaucoup de choses en même temps de manière durable. Je dois me concentrer sur de petits changements sur une période étendue pour être sûre que ça fonctionne. L’endurance est ma meilleure alliée.
  • Je ne dois surtout pas trop dévier de ma routine quand j’instaure la nouvelle habitude sinon quand je reprends un rythme normal l’habitude disparaît.

Voilà pour moi, évidemment ce qui vaut pour moi ne vaut peut être pas pour vous, je vous invite à faire l’inventaire de ce que vous avez mis en place avec succès et comment, quels sont les mécanismes qui fonctionnent pour vous quand on parle de discipline ?

Forger son caractère : oui, mais à quel prix ?

Je souhaitais aborder le sujet de la discipline qu’on présente souvent comme un muscle qu’il est important d’exercer. Certes. Cependant je tenais à vous partager un exemple personnel quand vient le sujet de l’exercice, car en lisant de nombreux ouvrages sur le pouvoir de nos habitudes et l’importance de la discipline dans nos quotidiens, je ne peux pas m’empêcher d’avoir une once d’amertume. On présente souvent les habitudes et la discipline comme un Graal, sans se soucier des conséquences que les conseils partagés pourraient avoir. À mon sens, inciter les gens à se construire un cadre extrêmement rigide pour assurer leur réussite n’est pas le garant que tout se déroule sans accroc. Au contraire…

J’ai nagé beaucoup, longtemps. J’ai compté mes coups de bras, pris mon pouls, enchaîné les longueurs, appris à lire mon temps en respirant avant mon virage… Je me suis entraînée dans l’eau et en dehors. On m’a imposé un rythme intense, on m’a demandé de me dépasser, d’ignorer la douleur, de retourner à l’eau après avoir vomi tellement mon corps était bouleversé par l’effort. Je me suis imposé une discipline d’acier, j’ai construit ma résistance (d’ailleurs c’est le nom de certains exercice “résistance”), j’ai appris que même si on a mal on continue, que pour quelques dixièmes de secondes on pouvait s’épuiser des mois, des années, durant. 

J’ai aussi appris que plus fort sera le mental, plus rigide sera le cadre, et plus violente sera la chute. 

Que pensez-vous qu’il se passe pour les sportifs de haut niveau quand tout s’arrête? Un matin je n’ai plus pu lever mon bras gauche, j’avais abusé de la bonne volonté de mes tendons. Je ne pouvais pas faire une longueur de plus. Je ne pouvais même pas attraper mon bol pour me servir mes Smacks…

J’avais vu autour d’autres s’arrêter mais je n’avais pas vraiment regardé. Quand la discipline est le résultat d’un cadre extérieur à la rigidité militaire (sport, classe préparatoire, parents trop exigeants…) alors est-elle réelle? Peut-être. Une chose est sûre, elle n’est pas durable. L’individu est trompé par l’illusion d’un cadre qui le tient debout mais s’il n’a pas une colonne vertébrale solide (une bonne raison de s’imposer ladite discipline) alors il s’écroulera. C’est une constante. 

J’ai vu des camarades sombrer dans des états dépressifs à la suite d’une blessure les obligeant à arrêter. J’en ai vu s’adonner à tous les excès. On commentait quand je nageais encore, les prises de poids impressionnantes des jeunes femmes qui arrêtaient les entraînements pour poursuivre leurs études une fois leur Bac obtenu.

Quand le cadre disparaît, qu’il a été le centre de gravité de votre vie pendant aussi longtemps que cela a été mon cas (plus de la moitié de ma vie à l’époque), alors le monde s’écroule. L’heure du lever n’a plus de sens puisqu’elle n’est plus dictée par les entraînements, les repas ne sont plus régis par les phases d’affutages et le temps libre s’étire à l’infini. Cela m’interroge profondément sur la nature de la discipline que je me suis imposée à l’époque, je disais encore ce matin “je n’avais pas le choix”, mais c’est faux. J’avais le choix d’arrêter, j’étais simplement persuadée que c’était l’unique possibilité. Quand le champ des possibles s’est ouvert à moi, le vertige m’a paralysée avant que le vide ne m’engloutisse. Ceci m’amène à la fin de cette réflexion autour de la valeur intrinsèque de la discipline.

Repenser son rapport à la discipline

Je crois donc qu’il est essentiel de revoir notre copie quand il est question de se discipliner. Nous la voyons comme un n-ième objectif à atteindre, comme une ultime preuve sociale d’un accomplissement qui ferait de nous une “meilleure version de nous même”. 

Reprenons l’étymologie du mot : du latin disciplina, dérivé de discipulus (« disciple »), lui-même de discere (« apprendre »).

Le disciple est celui qui suit le maître et qui apprend de celui-ci. Ainsi la discipline est un apprentissage, un chemin où l’on nourrit son savoir pour s’élever. Elle est la rigueur nécessaire pour intégrer en soi un nouveau savoir venu de l’extérieur. Vu ainsi il n’est plus question de performer mais d’éduquer et selon moi cela change la donne. On est beaucoup plus patient quand on est face à l’apprentissage de quelque chose de nouveau, on sait qu’on va devoir être “nul” au départ pour ensuite progresser. La discipline c’est la capacité à s’accorder assez de patience, et de douceur pour dépasser l’étape déplaisante ou la maîtrise du sujet ou de la pratique est très faible et donc l’inconfort est parfois immense.
Croyez-moi, la première fois où j’ai essayé de me mettre en équilibre sur ma tête ça n’a pas été confortable,. Ni glorieux ou gracieux d’ailleurs. Aujourd’hui je peux sereinement respirer dans cette posture et en apprécier tous les bénéfices, c’est ma discipline qui a permis cela. La répétition de petites actions avec une grande dose de patience peut faire des merveilles.
Si vous ne devez retenir qu’un seul conseil de cet article, ce serait celui-ci : les grands changements émanent des plus petites actions répétées avec patience et assiduité. Cela m’amène à mon dernier point, celui du rôle que joue le courage dans ce parcours du combattant.

Avoir le courage de sa discipline

Je lisais il y a quelques semaines un post d’Inès Leonarduzzi sur le courage. Je l’avais d’ailleurs partagé en griffonnant quelques pensées à la volée dans ma story. Et puis le mot est resté avec moi comme un chewing gum sous ma chaussure, alors j’ai décidé qu’il était important ici de lui donner sa juste place, j’ai d’ailleurs hésité à consacrer un article entier à la notion. J’y reviendrai peut-être, qui sait !

Nager à contre-courant

Lorsqu’on décide de mettre en place une certaine hygiène de vie, ou un rythme particulier pour diverses raisons : projets artistiques, lancement d’un produit, préparation d’un événement sportif… On va devoir faire face à l’incompréhension de nombreuses personnes face à nos choix mais aussi à la constante tentation de nous écarter de nos habitudes – qui sont pourtant les garantes de notre succès futur.
Il faudra avoir le courage de nager à contre-courant, de ne pas sortir le vendredi soir, de ne pas boire d’alcool, de se coucher tôt et de manquer quelque memes sur Instagram. En réalité, il est question de ne pas choisir la gratification immédiate. Comme nous l’a appris la “Marshmallow experiment”, réalisée à Stanford dans les années 70 par Walter Mischel, les personnes capable de retarder le moment de la gratification ont statistiquement de meilleures chances de réussites dans la vie (les indicateurs étant variés : résultats scolaire, état de santé, etc.). Cette étude a été récemment complétée par l’intégration de l’influence du milieu socio-économique des participants puisqu’elle est réalisée sur des enfants d’école primaire. Il a été prouvé qu’une partie de leur capacité à s’auto-réguler était directement liée à leur contexte social et économique. 

Mon objectif ici est de vous ramener à l’importance du courage dans l’équation : afin de garder le contrôle de vos pulsions si vous êtes dans une situation ou une gratification immédiate est possible (un grand verre de Coca bien frais, glaçons, citron, paille inclus – mon péché mignon) s’oppose à votre objectif sur le long terme (mon envie de réduire le sucre pour être en meilleure santé). Il est très facile de se laisser aller à un verre de Coca puisqu’en soit un simple verre semble absolument innocent et pourtant… Notre discipline se construit en compilant chaque petite victoire, chaque petit moment de courage ou l’on retarde la gratification pour s’assurer d’atteindre l’objectif véritable. Je fais ici un clin d’œil aux intérêts composés et à Darren Hardy dont je vous présenterai très prochainement le livre plus en détail.

Faire face aux entorses

Mais alors, comment faire pour ne pas devenir complètement rigide en voulant trop cadrer sa vie? Quid de la spontanéité et de l’adaptabilité face aux changements ? 

C’est l’éternel dilemme, trouver la nuance et la juste intensité. Rien ne sert de mener une vie d’ascète. Mon conseil est de tatonner, oui je sais, ce n’est pas le conseil du siècle, mais à nouveau si vous comprenez l’importance de la connaissance de soi dans la formulation de stratégie pour votre développement alors la marche à tâtons semble tout à fait à propos !

Je suis intimement convaincue que peu importe les cadres et leurs rigidités, ils ne vous protégeront jamais des imprévus et des accidents de parcours. La vie est faite pour être imprévisible et intense, alors l’idéal serait de choisir des objectifs qui vous animent vraiment, et pas ceux qu’un algorithme vous préconise dans un feed prétentieusement dénommer “for you”. Dès lors que le but vers lequel vous vous élancez a du sens à vos yeux, qu’il allume un petit feu au creux de votre ventre, alors les stratégies que vous aurez à mettre en place vous sembleront bien plus acceptables. 

La rigidité ne servira pas forcément vos intérêts et la discipline s’exprime d’autant de manière qu’il existe d’êtres humains. Faites-vous confiance, apprenez la rigueur qui accompagne, pas celle qui emmure. Souvenez-vous des longueurs de bassins et de la dégringolade qui s’en est suivi, ne nagez pas sans but !

La discipline se construit donc autour du désir de se conquérir d’une certaine manière, en acceptant, à l’image des alpinistes, que la montagne gagne toujours. 

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