J’ai toujours aimé les livres. Depuis aussi longtemps que je puisse me souvenir les livres, et par voie de conséquence les écrivain·es, appartiennent à une catégorie à part, et évidemment supérieure voire mystique, d’objet et de personnes (ce jugement est évidemment totalement subjectif et personnel).
Comprenez mon admiration pour celles et ceux qui sont capables de me faire voyager dans des univers qu’ils ont imaginé de toute pièce, celles et ceux qui m’ont fait tomber amoureuse des Monsieur Darcy et autres personnages iconiques, celles et ceux qui m’ont émue aux larmes au point de relire encore et encore des passages si poétiquement écrits. Il y a quelque chose de particulier qui se produit lorsque je lis un livre, un sentiment de me connecter à une part intime de celui ou celle qui l’a écrit. J’ai toujours imaginé qu’il fallait quelque chose en plus pour écrire un livre, que c’était une sorte d’acte sacré réservé à quelques élus (ma naïveté est parfois déroutante…). Sauf que voilà, il y a quelques années de cela j’ai compris qu’il n’y avait pas besoin d’être Jane Austen ou Shakespeare pour écrire un livre. Loin de là. Je ne vous dis pas la douche froide.
Alors peut-on vraiment tous·tes écrire des livres ? Comment juger de la qualité des livres et des informations qu’on peut y trouver ? Qui décide de qui sont les élu·es qui seront les écrivain·es et auteur·ices de demain ?
Commençons par un peu de contexte économique, parce que oui, je crois qu’en l’espèce le nerf de la guerre c’est l’enjeu économique (aka l’argent).
Une industrie en crise, qu’est ce que ça change ?
Le contexte
Tout le monde s’accorde depuis une quinzaine d’années à prédire la mort du livre papier. Si les prédictions d’extinction totale s’avèrent quelque peu à côté de la plaque, l’espèce un peu trop rapidement condamnée semble avoir subi quelques mutations lui permettant de survivre dans un environnement relativement hostile.
Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais disons que la pandémie a eu un effet plutôt positif pour l’industrie du livre qui est revenue à des niveaux de performances similaires à ceux précédant 2020. Je vous laisse approfondir le sujet ici si le cœur vous en dit.
Évidemment, j’ai été fouiné du côté des supports autres que le papier (coucou la crise du papier qu’on a vite oubliée mais qui a tout de même laissé des traces) et j’ai trouvé ce rapport (résumé ici) qui nous donne une idée de l’évolution de nos habitudes de consommations.
Je trouve très intéressant de constater comment les habitudes de consommation évoluent, notamment quand il s’agit des livres audio et numériques. Si vous lisez beaucoup et que vous vivez dans un petit espace, qu’en plus votre moitié lit encore plus que vous, croyez-moi sur parole quand je vous dis que la liseuse devient un indispensable – même si je continue de remplir mes étagères encore et toujours.
D’ailleurs il est intéressant de constater qu’après le déclin de grosses librairies qui assuraient une grande partie de la revente des livres de seconde main, les business en ligne comme Momox ou Recyclivre (sa version française) ont de plus en plus de succès. Mais c’est un sujet pour un autre article (peut-être).
“Les Français consacrent en moyenne 41 minutes par jour (soit 4h47 par semaine à lire des livres) quand ils passent 3h14 par jour (soit 22h38 par semaine) sur écran, pour faire autre chose que lire des livres.”
La course au profit.
Les livres sont en compétition avec des adversaires redoutables pour notre attention. Beaucoup de lecteur·ices passent d’ailleurs de longues heures à éplucher le “BookTok”, une frange de tiktok où on ne parle que de livre ! Mais c’est du temps qui n’est pas passé pour lire. Ainsi l’enjeu pour les maisons d’édition ne réside plus uniquement dans le fait de dénicher le prochain Hemingway afin de générer de bon résultats, il faudra aussi tirer son parti dans la grande valse de l’influence. Ainsi les éditeurs doivent traquer les tendances et miser sur la personnalité qui aura le juste mélange d’une communauté engagée sur les réseaux, autour d’un sujet à la mode et qui accepte un deal (pour la plupart désastreux pour les auteur·ices)…
Et c’est ainsi que vos influenceur·euses préférés déboulent dans les rayons de vos librairies. On se retrouve avec des bouquins de qualité souvent douteuse avec des thèmes téléguidés par les éditeurs pour s’assurer un revenu le plus généreux possibles. Super, mais du coup quid de la qualité ?
Et bien la qualité ne semble plus être la priorité. Que ce soit l’écriture, le choix du papier, la couverture, les erreurs de correction, l’absence de notes en bas de page pour étayer le propos quand bien souvent quelques références ne serait pas de trop.
Bref, le livre pratique par la dernière star du net est au chef d’œuvre littéraire ce que l’article pute-à-clic de Gala est au reportage journalistique qui remporte le Pulitzer.
Des experts en-veux-tu-en-voilà.
Info ou intox ?
Le plus dérangeant dans la multiplication des influenceur·euses qui sont perçus, à tort ou à raison, comme expert·es dans leur domaine est que très souvent l’expertise qui leur est attribuée dérive directement de la taille de leur audience. Malheureusement je pourrais vous citer facilement dix personnes qui ont des audiences (très) conséquentes et qui ne sont pas expertes (voire qui sont des charlatans, menteur·euses, arnaqueur·euses…). Le problème c’est que lorsqu’on cherche un expert dans un domaine x ou y c’est souvent car on n’est pas très éduqué / novice dans le domaine en question et même si internet est une bénédiction dans ces cas là, la limite avec la malédiction est mince. Beaucoup d’utilisateur·ices s’arrêtent aux premiers résultats, ne vérifient pas les sources ou pire encore utilisent les réseaux sociaux comme moteur de recherche.
Par conséquent on retrouve des livres écrits par ces mêmes experts trop souvent auto-proclamés et le cercle vicieux est en marche.
Les consommateur·ices ne vérifient pas les maisons d’éditions qui publient les livres et donc vous avez des exemples comme le domaine du bien-être et de l’ésotérisme qui a vu fleurir des maisons d’édition indépendantes. C’est à la fois super encourageant et dangereux : on publie un peu tout et n’importe quoi. D’ailleurs si aucune maison d’édition ne veut de vous, pas de panique !
L’auto-édition.
Parfois salvatrice pour des auteur·ices qui se sont vus claquer les portes au nez trop de fois, l’auto-édition est aussi responsable de la mise sur le marché de livre aux informations douteuses à nouveau. Aucun domaine n’est épargné : santé, bien être, business, couple… C’est la course à l’échalote.
Je ne suis pas en train de vous dire que l’écriture devrait être réservée à une élite, au contraire, seulement je pense que les maisons d’édition et les auteurs ont une responsabilité envers leur lectorat. Une responsabilité concernant la qualité du contenu qui leur est fourni. Si j’achète un livre de Sciences je n’ai pas envie de lire que la Terre est plate! Et bien si j’achète un livre pour travailler sur mon business model je ne veux pas des conseils de Gisèle qui n’a jamais vraiment réfléchi à son BM car elle a tout délégué à une prestataire. Je veux lire ce que la prestataire a à dire!
Le ghost-writing.
Je vais donc terminer avec la partie la plus détestable à mon goût. À force d’aller chercher des personnes dont le job est de faire du marketing pour vendre leur produit en ligne ou utiliser leur marque personnelle pour faire de la pub pour leur partenaire (et c’est totalement cool de gagner sa vie comme ça), on se retrouve à faire écrire des livres à des personnes qui ne savent pas écrire.
Ainsi vous pouvez voir comment les jeunes éditeur·ices, les assistantes etc. se retrouvent à ghostwriter de longs morceaux des livres (je parle de livres “pratiques” pas de roman et autre). Ce qui fait qu’on se retrouve avec des livres sur le marché dont le message est souvent édulcoré : pas de vraies plumes, pas de vraies expertises…
Une recette idéale pour des résultats médiocres.
Un peu d’espoir.
Je crois quand même qu’il existe encore des personnes sérieuses et douées qui sont publiées ou qui s’auto-publient.
Cet article a pour véritable but de vous encourager à choisir le contenu que vous consommer avec précaution, surtout quand il est question d’ouvrages pratiques ou spécialisés. Je me fais encore régulièrement avoir… bonne lecture !
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